Dans un environnement marqué par la raréfaction de l’offre, la hausse des coûts d’énergie et l’intensification de la demande sur les grands axes, l’émergence de Velvet change la donne. Porté par Rachel Picard, ex-dirigeante de SNCF Voyages, le projet réunit une matrice singulière : une vision centrée sur l’ergonomie client, des investissements massifs dans le matériel à grande vitesse d’Alstom, et une stratégie d’accès aux sillons auprès de SNCF Réseau. Selon les dernières données disponibles dans le secteur, la pression capacitaire sur le corridor atlantique se traduit par des voyageurs non servis aux heures de pointe, une tension tarifaire et un enjeu de fiabilité qui résonne auprès des décideurs publics et des investisseurs. Cette dynamique explique un financement inédit pour un nouvel entrant et l’ambition d’une mise en service en 2028 sur Paris–Bordeaux–Nantes–Rennes. Elle souligne, en creux, la riposte attendue des marques OuiGo et TGV Inoui, déjà aux avant-postes de la politique de remplissage de la compagnie historique. Entre audace industrielle et calcul économique, la trajectoire de Velvet rappelle que la concurrence ferroviaire ne s’improvise pas : elle se construit, mètre ruban à la main, à la jonction du design, de la régulation et du bilan d’exploitation.
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Rachel Picard, ambassadrice du rail: enjeux, capacité et trajectoire Velvet
Il est à noter que l’initiative Velvet, ex‑Proxima, s’articule autour d’un double diagnostic : une crise de capacité sur les axes à grande vitesse et une appétence confirmée des clients pour une expérience plus lisible et plus simple. Selon des éléments avancés par l’équipe dirigeante, la part de voyageurs non servis sur les trajets visés avoisinait 15 % et pourrait atteindre 25 % à l’horizon 2028, alimentant la hausse des prix et la saturation des trains existants. Cette tendance souligne la fenêtre d’opportunité ouverte par l’accès régulé au réseau et par la disponibilité du nouveau matériel Avelia Horizon d’Alstom, conçu pour optimiser la capacité assise et la consommation énergétique. Le positionnement cible le faisceau ouest : Paris–Bordeaux, Paris–Nantes et Paris–Rennes, avec un lancement phasé et un calendrier calé sur les livraisons industrielles.
- Financement : levée d’environ 1 milliard d’euros auprès d’Antin Infrastructure Partners, validant la thèse d’investissement long terme.
- Matériel roulant : commande de 12 rames Alstom Avelia Horizon (famille TGV M) pour ~850 M€.
- Calendrier : mise en service visée en 2028 avec montée en charge progressive.
- Couloirs : priorité au corridor atlantique, en lien avec la disponibilité de sillons de SNCF Réseau.
- Stratégie client : expérience rationalisée et design d’usage (sièges, tablettes, accoudoirs), thème central dans la communication de la fondatrice.
Pour un panorama éclairant des ambitions et du branding Velvet, voir les analyses par L’Express et la synthèse sectorielle de Planète Business, ainsi que les développements sur les dessertes Paris–Bordeaux et Paris–Angers–Nantes.
Capacité ferroviaire et concurrence: une fenêtre stratégique sur l’Atlantique
Sur un marché historiquement dominé par SNCF via TGV Inoui et OuiGo, l’entrée d’un nouvel acteur reste un pari conditionné par l’allocation des sillons et par la capacité à atteindre des taux de remplissage élevés. Les cas de Trenitalia et de Renfe ont montré que la conquête de parts de marché exige des fréquences robustes, une tarification lisible et un service irréprochable sur la durée. L’arbitrage central : capter la demande compressée sans déclencher une guerre des prix qui érode l’EBITDA.
- Demande : une élasticité prix/qualité forte sur les axes denses, propice aux offres différenciées.
- Régulation : rôle structurant de SNCF Réseau pour la qualité des sillons et la robustesse horaire.
- Concurrence : riposte des marques maison (OuiGo, TGV Inoui) par capacité et yield management.
- Interopérabilité : enseignements tirés de Eurostar et Thalys sur le pricing et la segmentation premium.
Pour approfondir le récit fondateur et la vision de la dirigeante, écouter l’entretien long format sur GDIY et la genèse de Proxima devenue Velvet via MSN.
Modèle économique: coûts d’accès, matériel Alstom et expérience voyageur
Le cœur du modèle repose sur un triptyque : capex lourd pour des rames de dernière génération, redevances d’infrastructure substantielles, et recettes unitaires soutenues par le mix affaire/loisir. Les rames Avelia Horizon offrent une capacité modulable et une meilleure efficience énergétique, clé pour absorber la facture d’accès au réseau et la volatilité électrique. Côté distribution, l’optimisation du digital – inspirée de l’expérience SNCF Connect – vise à réduire le coût d’acquisition client et à fluidifier le parcours de bout en bout.
- Charges d’accès : poste majeur indexé sur les circulations, à piloter via l’occupation et la fiabilité.
- Capex : amortissement des 12 rames sur cycle long, corrélé à la montée en fréquence.
- Revenus : segmentation par cabines/services face à TGV Inoui et OuiGo, sans cannibaliser la demande cœur.
- Benchmark : retours d’expérience d’Eurostar et Thalys sur le yield et les services premium.
Pour un éclairage sectoriel, voir L’Echo Touristique et l’entretien sur la philosophie produit publié par BigMedia Bpifrance.
Ce schéma économique s’appuie sur une exécution millimétrée, du design d’assise au plan de transport, afin de convertir l’innovation technique en marge opérationnelle.
Gouvernance, financement et calendrier industriel jusqu’en 2028
La gouvernance associe expertise transport et exécution industrielle : présence de profils passés par l’aérien et par la RATP et RATP Dev, articulation avec des acteurs infra comme SNCF Réseau, et dialogue investisseurs assuré par un sponsor infrastructure de premier plan. La présence de Rachel Picard a constitué, selon plusieurs observateurs, un facteur de bancabilité décisif, accélérant la due diligence et la sécurisation du carnet de commandes.
- 2024–2025 : consolidation du financement et commandes fermes chez Alstom.
- 2026 : essais statiques/dynamiques, homologations et formation des conducteurs.
- 2027 : pré‑exploitation et montée en cadence, négociations d’ultimes sillons.
- 2028 : ouverture commerciale sur l’Atlantique, densification selon la demande.
Les jalons opérationnels décrits par TourMag confirment un chemin critique exigeant, mais cohérent avec les cycles ferroviaires lourds.
Risques, régulation et arbitrages tarifaires: audace ou prudence?
Les principaux aléas concernent l’attribution de sillons robustes, la disponibilité industrielle du matériel et la réponse commerciale de la compagnie historique. À court terme, la maîtrise de l’on‑time performance conditionnera la perception client ; à moyen terme, l’équation financière dépendra de l’occupation des sièges aux heures creuses sans dumping tarifaire. Côté régulation, l’équilibre avec SNCF Réseau demeure central pour limiter les conflits de tracés et sécuriser les marges de régularité.
- Risque d’exécution : industrialisation des rames et disponibilité pièces/ateliers.
- Risque prix : compétition frontale avec OuiGo sur l’entrée de gamme, maintien d’un différentiel de service face à TGV Inoui.
- Risque régulatoire : conditions d’accès, redevances et priorités de circulation.
- Risque énergie : exposition à la volatilité électrique, intérêt des rames sobres Alstom.
Le débat public, relayé par Entrevue, montre que la confrontation Paris–Bordeaux sera un test grandeur nature. À l’heure où filiales et partenaires comme Keolis étendent leur savoir‑faire opérateur, l’écosystème français dispose des compétences pour soutenir une concurrence exigeante.
Cas d’usage: le corridor Paris–Atlantique et les voyageurs d’affaires
Sur l’axe Paris–Atlantique, l’histoire de « Clara », dirigeante nantaise, éclaire les arbitrages clients : une semaine type implique deux allers‑retours, des départs avant 7 h et des retours tardifs. L’indisponibilité des places à la dernière minute l’a conduite à fragmenter ses rendez‑vous et à multiplier les visioconférences. Une offre alternative fiable, avec ergonomie soignée et plages horaires supplémentaires, reconfigure son agenda et son budget déplacements.
- Fréquence : ajout de trains en pointe pour écrêter la demande compressée.
- Ergonomie : sièges, accoudoirs et tablettes mesurés « au millimètre », thème récurrent de la méthode Picard.
- Segmentation : options affaires/loisirs lisibles, inspirées des meilleures pratiques observées par La Vie du Rail.
- Intermodalité : intégrations futures possibles avec des acteurs comme Keolis pour les derniers kilomètres.
Le récit de cette « vie réelle » traduit la promesse clé : transformer une saturation chronique en service utile. Les jalons récents publiés par TourMag confirment que la valeur se créera à la jonction du produit et de l’horaire pertinent.
